Information du : 20/05/2021

Cycle répertoire "Cinéma des Antipodes"

Le cycle consacré au cinéma des Antipodes, interrompu par la fermeture des salles, reprendra à partir du 19 mai (dates à venir). Au programme quatre films venus de Nouvelle-Zélande et d'Australie dans vingt cinq salles du réseau de septembre à fin décembre.

MAD MAX

Un film de George Miller
Australie - 1979 - 1h25

Sur les autoroutes désertées d'une Australie méconnaissable, une guerre sans merci oppose motards hors-la-loi et policiers Interceptor, qui tentent de triompher de la vermine au volant de voitures aux moteurs surgonflés. Dans ce monde en pleine décadence, les bons, les méchants, le manichéisme disparaissent...

"L’histoire de Mad Max (1979) tient du miracle. Tout d’abord parce que son réalisateur, l’Australien George Miller, est parvenu à boucler le film avec un budget ridicule. Mais aussi parce que le tournage n’a connu aucun accident grave, alors même que les nombreuses cascades suicidaires qui assurent le spectacle furent conçues dans un amateurisme total. Enfin parce que ce minuscule film, initialement destiné au marché du cinéma d’exploitation, a rencontré à sa sortie un succès fulgurant en Australie, mais aussi à travers le monde. Des États-Unis au Japon, de la France aux pays nordiques, le public s’est rué en masse pour assister à la descente aux enfers de Max Rockatansky, un flic de la route qui perd sa famille, voire son humanité, au cours d’une guerre sans pitié contre un gang de motards. Évidemment, la manière de filmer stupéfiante de George Miller, qui rythmait sa mise en scène sur le tempo du rock ’n’ roll, n’était pas étrangère à ce triomphe. De même, le charisme animal de Mel Gibson, qui faisait ses premiers pas sur grand écran, a fait beaucoup pour la notoriété du film.

Et il ne faut pas sous-estimer l’aspect politique du scénario, qui dans son nihilisme évoque l’Anthony Burgess d’Orange mécanique, et dont la véhémence fut un formidable défouloir pour des générations
de spectateurs enragés. Mais George Miller comprend rapidement que l’histoire de Max dépasse très largement le cadre de l’effet de mode, du film de genre efficace ou du brûlot pamphlétaire. Lors d’une conférence à Sydney en 1996, il observe : « Pour les Français, Max était un desperado à moto. Au Japon, c’était un samouraï rejeté par la société. En Scandinavie, un guerrier viking. Partout, ce film a trouvé une résonance particulière dans la culture locale. Sans le savoir, nous avions puisé à la source du mythe du héros universel. »

- Trois couleurs

UTU

Un film de Geoff Murphy
Nouvelle Zélande – 1984 – 1h58

1870. La Nouvelle-Zélande est sous protectorat britannique. La couronne organise une milice afin d'éteindre les velléités d'indépendance de la population locale. Te Wheke, un Maori, est éclaireur dans une de ces brigades. Lorsqu'il découvre que l'armée britannique a décimé son village, il déserte ses rangs et rallie à lui des rebelles des différents clans pour lutter contre l'oppresseur…

Geoff Murphy (disparu en 2018) était l'un des cinéastes a avoir lancé une industrie cinématographique néo-zélandaise balbutiante. Wild Man (1977), Dagg Day Afternoon (1977) et Goodbye Pork Pie (1980) sont tous des phénomènes du box-office et c'est ainsi qu'il se retrouve aux commandes d'une superproduction de trois millions de dollars (soit environ l'équivalent de 30 millions aujourd'hui). Il s'agit en 1983 du film le plus cher jamais produit en Nouvelle-Zélande. Ce budget imposant, on le retrouve dans la qualité des décors, des costumes et des accessoires.

Uniformes, ferme, ville de western, fortin... tout fait vrai, on sent le dur, l'usure, rien qui ne fasse fraîchement sorti des ateliers de la production. Le film est magnifiquement photographié, tout en lumières naturelles, Murphy donnant comme consigne à son chef opérateur Graeme Cowley de s'inspirer du travail de Nestor Almendros sur Les Moissons du ciel. Il fait également venir pour la première fois une Steadicam en Nouvelle-Zélande, ce qui lui permet ces nombreuses séquences qui nous font épouser le point de vue des personnages.

Cowley et Murphy brillent à rendre palpable la nature. Le film est moite, terreux, étouffant ou alors se déploie dans de vastes espaces sauvages auréolés de lumière. On passe de la jungle aux pics enneigés, des plaines aux sous bois, une traversée d'un territoire hallucinant que le film permit en son temps de découvrir. Utu est en effet le premier film néo-zélandais a être sélectionné au Festival de Cannes. Une consécration méritée pour ce film singulier, déroutant et complexe, qui joue sur la puissance d'iconisation du cinéma non pour héroïser mais pour creuser ce qu'il y a derrière le mythe. Pour chercher derrière la légende l'humain, ses tourments et ses doutes.

L'ÂME DES GUERRIERS

Un film de Lee Tamahori
Nouvelle-Zélande - 1995 - 1h43

« Il est beaucoup plus facile de faire des films avec de grandes poursuites en voitures ou des films d’amour : il existe des formules toutes faites pour ce genre de films » expliquait Lee Tamahori à la sortie de L’Âme des guerriers. xXx2, Meurs un autre jour… les réalisations suivantes du cinéaste ont montré quel camp a choisi Tamahori. Mais les espoirs déçus ne doivent pas oblitérer l’électrochoc que fut L’Âme des guerriers à sa sortie et gageons que les spectateurs qui vont aujourd’hui le découvrir seront frappés au cœur par ce film coup de poing qui nous plonge dans le quotidien des Maoris de la banlieue d’Auckland en Nouvelle-Zélande.

Beth, une maori de lignée royale, a rejeté sa caste pour se marier avec Jake, un descendant d’esclaves noirs. Mais la lune de miel se révèle de courte durée, Jake sombrant dans l’alcool et battant sa femme. Tamahori nous offre une peinture suffocante du monde maori, détruit par la colonisation anglaise et peuplant désormais les banlieues sinistrées des grandes villes. Un peuple qui souffre d’avoir vu ses racines coupées, qui ne parvient pas à se raccrocher au monde et qui dérive jusqu’à l’anéantissement. Au-delà de cette peinture sociale âpre où l’alcoolisme, la drogue, le chômage brisent tous les liens familiaux et culturels, Tamahori dépeint avec justesse et sensibilité la vie de Beth, de Jake et de leurs cinq enfants. C’est dans cette étroite imbrication entre l’intime et le social que L’Âme des guerriers puise sa force première. De Beth qui est victime de sa fierté d’appartenir à une caste noble à Jake qui souffre de l’humiliation d’être descendant d’esclave, de Boogie le fils qui désire renouer avec les coutumes ancestrales à Gig l’aîné qui cherche son identité dans les gangs urbains, en passant par la douce Grace, papillon qui va se brûler les ailes, Tamahori dépeint au travers des drames de ses personnages celui d’un peuple tout entier.

Entre désir illusoire de renouer avec le passé et impossibilité de se fondre dans une société moderne qui les rejette, les Maoris sont à l’écart du monde, dans une zone à l’abandon où ils ne peuvent que se laisser mourir. L’Âme des guerriers est un film violent, exacerbé, constamment transcendé par une force esthétique qui le pousse vers les territoires du mythe. Comme George Miller lorsqu’il filme Lorenzo, Lee Tamahori est persuadé que mélodrame ne signifie pas naturalisme et qu’un cinéaste peut déployer une mise en scène lyrique tout en conservant la force de son sujet. Lorsque l’on voit la puissance toujours intacte de ce pamphlet, on ne peut que lui donner raison. Pour son premier rôle au cinéma, Rena Owen illumine l’écran au sein d’une distribution en tout point parfaite.

BAD BOY BUBBY

Un film de Rolf de Heer
Australie – 1993 – 1h54

Bubby, 35 ans, vit toujours chez sa mère. Il a même toujours vécu chez elle sans jamais avoir mis un pied dehors. C'est que Mam lui raconte que l'extérieur est contaminé, l'air empoisonné et en effet lorsqu'elle rentre de ses escapades au dehors, c'est en arborant un imposant masque à gaz. Lorsque le père de Bubby réapparaît, prend sa place dans le lit de Mam et passe ses nerfs sur lui, le gentil garçon finit par s’énerver. Il emballe ses parents dans du film plastique et part à la conquête du
monde...


Le récit de Bad Boy Bubby n'est pas celui d'une descente aux enfers, l’enfer Bubby y est plongé avant même le début du film. Et le spectateur avec lui qui, pendant une demi-heure, reste cloîtré dans un deux pièces pouilleux avec une mère incestueuse et sadique bientôt rejointe par un père violent et alcoolique. Pas d'horizon, pas de couleurs – tout est d'un gris verdâtre écœurant – pas de bruit (aucune musique, rien qu'une ambiance étouffée et des grincements de ventilation) : on est coincé avec Bubby entre les quatre murs d'une prison dont on aspire vite à s'échapper, subissant avec lui
la folie d'une mère possessive. La tentation est même forte pour le spectateur d'arrêter là le film, tant on pense alors avoir affaire à une de ses pellicules outrageusement provocantes et glauques qui ne visent qu'à choquer le bon bourgeois. Mais lorsque l'on connaît Rolf de Heer - immense réalisateur à qui l'on doit La Chambre tranquille, Dance Me to My Song, 10 canoës, 150 lances et 3 épouses ou plus récemment Charlie's Country - on sait que le film ne peut se réduire à ce programme et, de fait, le cinéaste ne tarde pas à nous emporter ailleurs.

L'enfer donc, Bubby ne connaît que ça depuis trente-cinq ans et lorsqu'il sort un jour de sa prison, c'est une renaissance. Comme un nouveau né sortant du ventre de sa mère, il quitte l'appartement / matrice pour enfin découvrir le monde et la société des hommes. Bad Boy Bubby devient alors un récit initiatique vécu au travers le regard d'un héros naïf, d'un homme enfant sans conscience morale et qui n’a eu accès ni au langage ni aux codes sociaux. Rolf de Heer nous fait voir le monde de
manière inédite, nous faisant partager le désarroi et l’étonnement de Bubby, ce nouveau né qui appréhende le monde dans un corps d'adulte. Joyeuse satire sociale, Bad Boy Bubby est d’abord un film sur la manière dont chacun envisage le monde. C'est un thème récurrent chez Rolf de Heer et un film comme 10 canoës, 150 lances et 3 épouses, expérience cinématographique qui nous invite à partager la pensée et l'imaginaire des aborigènes, montre combien pour le cinéaste la perception du monde est chose relative, qu'elle est uniquement conditionnée par la culture à laquelle on appartient. Rolf de Heer, cinéaste constamment novateur qui signe ici son quatrième long-métrage, a fait appel à trente-deux directeurs de la photographie pour tourner le film. Chaque nouvel espace que découvre Bubby est ainsi filmé par un chef opérateur différent. Le ton et les ambiances du film ne cessent
d'évoluer au fil des rencontres et on est constamment surpris, portés par cette oeuvre véritablement unique qui s'avère être un remède imparable au formatage de la production cinématographique. Bad Boy Bubby vaut mille fois mieux que sa simple réputation de film culte : c'est un film d'équilibriste qui témoigne du regard sincère de son auteur, de son humanisme et de sa croyance totale dans la capacité du cinéma à nous emmener ailleurs.

CYCLE REPERTOIRES
LES ANTIPODES

4 films de septembre à fin décembre dans 25 salles du réseau

  • Loudéac, Le Quai des images : samedi 19 juin

    Belle île en Mer, Le Rex : semaine du 4 août
  • Callac, L’Argoat : dimanche 13 juin
    séance accompagnée par Erwan Cadoret

    Loudéac, Le Quai des images : dimanche 20 juin
    séance accompagnée par Thilbault Fleuret
  • Callac, L’Argoat : dimanche 13 juin
    séance accompagnée par Erwan Cadoret

    Loudéac, Le Quai des images : dimanche 20 juin
    séance accompagnée par Thilbault Fleuret

    Guéméné sur Scorff, Ciné Roch : jeudi 15 juillet
  • Carhaix, Le Grand bleu : samedi 5 juin

    Callac, L’Argoat : dimanche 13 juin
    séance accompagnée par Erwan Cadoret

    Loudéac, Le Quai des images : dimanche 20 juin
    séance accompagnée par Thilbault Fleuret